BIOGRAPHIE
Je suis né le 9 octobre 1935, à 10 heures du matin, villa des Iris, Cité des Fleurs, Paris 17ème, voilà un début prometteur.
Mon premier souvenir remonte à l’exode, en 1940, fait avec ma mère dans la voiture de mes grands parents paternels, accompagnée par mes oncle, tante et cousines dans leur voiture. Sur la route, très encombrée de véhicules de toutes sortes mais aussi d’une multitude de piétons, il y avait essentiellement des femmes, des enfants et des personnes âgées.
De retour à Paris en octobre, je passe les 5 années suivantes tout seul avec ma mère dans la capitale occupée par l’armée allemande, mon père étant en captivité au stalag 3C à Kustrin sur les bords de l’Oder, à la frontière polonaise. Mes principaux souvenirs sont les privations de nourriture, les hivers enneigés, les nuits dans la cave à chaque bombardement et la libération de Paris à laquelle j’ai modestement contribué en édifiant une barricade de sacs de sable place de Clichy.
Ma mère m’ayant appris à lire, écrire et compter, ainsi qu’un peu d’anglais, à 6 ans j’entre en 10ème (le CE1 de nos jours) au lycée Condorcet. A 7 ans je deviens louveteau et j’en garde de merveilleux souvenirs. Une fois les troupes américaines dans Paris, je renseigne souvent les GI qui me remercient en me donnant du chocolat, du chewing-gum et des cigarettes que je revends aux copains, je n’ai ensuite jamais eu autant d’argent de poche.
En juin 1945 mon père rentre de captivité et 8 jours après son arrivée nous sommes déjà en très mauvais termes. Sa méthode éducative consiste à me priver de sorties et de camps de louveteaux puis de scouts, et privé ainsi d’activités physiques, je n’en suis que plus chahuteur au lycée. Si bien qu’à Pâques de 1946 je me fais virer de la 6ème de Condorcet et j’entre au lycée Carnot.
Chaque année, pour pouvoir monter dans la classe supérieure, je dois passer un examen en latin et maths, mes deux matières les plus faibles, bonne raison pour me priver du camp scout et m’obliger à travailler pendant toutes mes vacances. A la fin de la seconde, je suis condamné à redoubler, la honte dans ma famille. Mais à la rentrée d’octobre 1950, je me retrouve par erreur inscrit comme redoublant en 1ère. En récompense, mon père me retire des scouts et m’oblige à passer tout mon temps à travailler, il est vrai que c’est efficace puisque j’ai mon 1er bac à la session de septembre. Ayant estimé avoir suffisamment travaillé, je passe désormais une partie de mon temps à faire du patin à glace et à jouer au hockey, avec pour résultat un échec au bac mathématiques élémentaires dit « mathélém » en juin et en septembre.
Pour ne pas refaire exactement la même chose, et voulant devenir médecin, je m’inscris en Sciences expérimentales (dites Sciences ex), avec pour résultats des places de 1er avec 18/20 aux 3 compositions trimestrielles de physique, de sciences naturelles et de maths, mais nul ou presque en philo. La dernière récréation de l’année scolaire, j’organise un chahut monstre dans le hall du lycée et bien qu’ayant été dénoncé (par un fils de collabo surement) je parviens à inonder le hall de bombes algériennes et de pétards sans être découvert. Mais les épreuves de ce bac se déroulant dans ce même lycée, censeur et pions se vengent, car je n’ai que 9/20 en physique et en sciences naturelles alors que mes copies méritaient certainement au moins 18 et avec un 7/20 mérité en philo je suis donc recalé. La seule explication : toutes les feuilles intercalaires de mes copies ont été retirées par le surveillant de salle avant qu’elles ne soient transmises aux correcteurs. Résultat : ambiance telle au domicile familial que je prends un petit sac, mon vélo et je fais une fugue définitive. A partir de ce jour là, je me débrouille tout seul, ne demandant plus rien à mes parents. Revoyant régulièrement ma mère que j’adorais, je resterai plusieurs années avant d’accepter de revoir mon père qui finira par admettre que je ne suis pas le voyou nul qu’il voyait en moi. Et mon départ ayant choqué toute la famille, il a ensuite changé de méthode pédagogique avec mes sœurs et frère âgés respectivement de 11, 14 et 18 ans de moins que moi.
Elu et mon projet accepté, je fais mon premier voyage en 1952, comme mousse sur un thonier et dans mon rapport je relate la dure vie de marin pêcheur. J’ai le 3ème prix, ce qui me permet d’obtenir une seconde bourse, de 25.000 francs grâce à ce prix.
L’été 1953, après ma fugue je passe la saison à travailler comme commis dans un hôtel, le Home provençal, à Beaulieu sur mer et je ne peux donc pas effectuer mon second voyage. La Fondation m’autorise à le faire l’année suivante et pendant 3 mois je pars en Ethiopie étudier l’influence des pays occidentaux et leur aide au gouvernement du Négus, alors Empereur d’Ethiopie, ainsi que la vie dans une léproserie dirigée par un médecin français.
Au retour je remets un rapport en 7 gros volumes, intitulé « Ethiopie, terre d’espoir », visant le 1er prix et je suis très déçu de n’obtenir que le second. Mais avec en plus du titre de lauréat Z une bourse d’études de 10.000 francs par mois, donc insuffisante pour vivre mais bien appréciable, et une chambre au pavillon Jean Walter, dans le pavillon du Maroc à la Cité Universitaire du boulevard Jourdan, plus confortable que mes chambres de bonnes. Hélas, menacé par les étudiants Marocains qui savent que je manifeste pour l’Algérie française, je dois en partir au bout d’un an et je me retrouve à nouveau sous les toits.
Ces 2 expériences m’ont donné le goût du voyage et surtout confiance en moi, me démontrant que je suis capable de me débrouiller seul et d’avoir de bons résultats.
Dans les années 70, les héritiers de Jean Walter ont décidé de ne plus financer ces bourses. Alors entre lauréats, en nous cotisant, nous avons réussi à les maintenir en petit nombre, en les ouvrant à tous les jeunes de 16 à 20 ans filles comprises, avec toujours les mêmes obligations. Petit à petit nous avons pu en augmenter le nombre grâce à l’aide de sponsors et maintenant la Fondation Zellidja existe à nouveau dans le cadre de la Fondation de France.
Miraculeusement, car j’ai à vrai dire bien peu révisé, je suis reçu au bac en juin, ce qui me permet de partir en Ethiopie l’esprit serein.
A mon retour je change d’agence, quittant le boulevard Saint Germain pour la rue de Seine chez un autre architecte où je suis payé à l’heure, avec un revenu mensuel supérieur à mon salaire précédent et un peu plus d’heures de liberté. Je m’inscris à l’atelier Lemaresquier, mais pendant cette année scolaire 54-55 je n’y vais que pour « gratter » pour les anciens, c'est-à-dire dessiner sur leurs projets, ce qui est obligatoire pour tout « nouveau », mais sans pouvoir consacrer de temps à ma préparation du concours d’admission.
Après un superbe camp routier en Corse, le voyage que j’avais décidé de faire en Amazonie s’arrête à Casablanca pour cause de guerre au Maroc, m’interdisant de rejoindre, en stop via la Mauritanie, Dakar où j’espérais embarquer gratuitement sur un cargo à destination de Rio de Janeiro. De retour à Paris, je change souvent d’agence, au gré des offres d’emplois, pour être mieux payé grâce à mes années d’expérience et je peux ainsi préparer un peu le concours d’admission.
Nous sommes 2.000 candidats pour toute la France et il y a 200 places en juin et 150 à la session de rattrapage de septembre. Une première épreuve consiste à rendre en 12 heures une esquisse d’architecture, en n’utilisant que les ordres classiques, et il faut avoir plus de 6/20 à chaque épreuve pour pouvoir se présenter aux suivantes. En juin je suis éliminé dès cette première épreuve, mais en septembre j’ai 10/20. Seconde épreuve, dessiner au fusain une sculpture grecque, j’ai 12/20. Epreuve suivante, un écrit et un oral de mathématiques, du niveau de « maths-géné », j’ai 14/20 à l’ensemble. Et pour terminer un oral d’architecture portant sur des connaissances générales mais très axées sur l’architecture classique. Les candidats y apportent leurs 20 ou 30 meilleures esquisses d’entraînement, ainsi que leurs fusains les plus réussis, plus des carnets de croquis. N’ayant à présenter que 6 esquisses et 3 fusains, représentant toute ma production de l’année, je présente les 7 volumes de mon rapport sur l’Ethiopie dont les photos et croquis retiennent plus l’attention du jury que ma prestation oratoire sur la « modénature », le sujet que j’ai tiré au sort. J’ignore quelle a été ma note, mais elle a dû être bonne car je suis reçu 36ème. Nous ne sommes que 4 de mon atelier, l’un d’ailleurs major après 3 ans d’études à temps plein et les deux autres derrière moi après 5 et 6 ans de préparation.
Ensuite, je travaille en agence à temps plein pour payer les quelques dettes que j’ai contractées pour pouvoir rester sans salaire le temps de passer ce concours.
Mon meilleur camarade, qui fait ses études de droit, m’annonce un jour que la « Corpo » de droit organise pour 50 de ses membres un voyage de 2 semaines en Algérie, tous frais payés pour seulement 10.000 francs. A ma demande il se débrouille pour m’inscrire comme si j’étais étudiant en droit et nous passons la fin de cette année 1956 en Algérie. D‘abord à Alger même où nous visitons la ville et ses environs et assistons à des conférences nous présentant ce qui à l’époque était appelé « la pacification ». Puis nous sommes répartis chacun dans une famille. C’est ainsi que je passe une semaine dans une ferme de Boufarik, dans la fertile plaine de la Mitidja, à découvrir la vie des colons en participant aux cultures d’agrumes et en faisant connaissance de la dizaine de militaires appelés, affectés dans cette ferme pour la défendre. Efficacement d’ailleurs puisqu’une nuit nous sommes attaqués par une bande de fellagas qui doivent finir par se replier. La principale revendication des soldats est « la quille bordel », car ils n’étaient pas volontaires pour cette affectation.
De retour à Paris, où je militais par convictions politiques pour « l’Algérie française », je résilie mon sursis que j’avais jusqu’à 27 ans et je demande simultanément à être affecté dans les parachutistes et à partir immédiatement en Algérie. J’obtiens tout sans problème !
Le 1er mars 1957 je suis convoqué pour partir, encore en civil, par un train de nuit pour Marseille puis en bateau pour Philippeville. Affecté au 1er RCP (Régiment de Chasseurs Parachutistes) je dois faire 4 mois de classes au camp Péau à Jeanne d’Arc, proche de Philippeville. C’est un camp disciplinaire en souvenir du commandant Péau pendu en haut du mât des couleurs en 1945 par les soldats qui s’étaient révoltés, et les brimades y sont quotidiennes. Mais avec le mérite de nous rendre forts physiquement et psychologiquement. Reçu major du Constantinois au concours d’entrée aux EOR (Ecole d’Officiers de Réserve), je pars accompagné de deux camarades pour Cherchell à 90 kilomètres à l’ouest d’Alger.
Pendant ces 6 mois d’école je travaille dur car il paraît que pour avoir une place dans les parachutistes il faudra sortir dans les premiers. Le travail, mais aussi la chance me sourient car je sors sous-lieutenant, major de compagnie et 4ème de toute la promotion. Et ceux qui ont déjà été 4 mois au moins en Algérie choisissent en priorité, si bien qu’au grand oral mon nom est appelé le premier. Je choisis la Brigade des Parachutistes Coloniaux basée à Bayonne et je devrais normalement commencer par y faire 5 mois d’instruction, mais mon ancien professeur d’admission des Beaux Arts me recommande auprès d’un de ses amis, commandant adjoint du 2ème RPC (Régiment de Parachutistes Coloniaux, qui deviendra en 1959 Régiment de Parachutistes d’Infanterie de Marine) basé à Koléa et Castiglione, à 60 kilomètres à l’ouest d’Alger, et je repars aussitôt en Algérie.
Je suis affecté à la Compagnie de reconnaissance, à la tête de la 1ère section dont le chef vient d’être tué au combat.
Les opérations s’enchaînent, dans l’Atlas Blidéain, la Kabylie, les Aurès, chaque fois nous quittons notre base arrière pour aménager une base avancée dans la zone qui nous est prescrite, et de là nous partons de nuit, souvent pour plusieurs jours, « ratisser » un secteur où le renseignement a appris qu’une ou plusieurs katibas (compagnies) rançonnaient la population des douars, enrôlaient de force les hommes de plus de 16 ans et attaquaient les postes français. Nous avons parfois des accrochages, dont certains très sérieux, mais souvent nous revenons bredouilles. En mai 1958 nous assurons la sécurité dans Constantine et ses environs et nous avons failli devoir sauter en parachute sur Paris, mais finalement cette opération est annulée à la suite du fameux discours de De Gaulle le 13 mai à Alger.
Nous reprenons les opérations et en septembre je souscris un contrat d’un an, comme ORSA (Officier de Réserve en Situation d’Activité), envisageant alors d’abandonner l’architecture et de faire carrière dans l’armée. En novembre je suis blessé à l’épaule au cours d’une embuscade dans la Mitidja. Hôpital à Blida au sud d’Alger suivi de 28 jours de convalescence que j’enchaîne avec 23 jours de permission de détente passés à Paris. A mon retour, un officier sortant de Saint Cyr m’a remplacé à la tête de ma section et je suis affecté à la 3ème compagnie, où je prends le commandement de la 1ère section. Nouvelles opérations en petite Kabylie et dans l’Atlas. Un jour, sur ordre de mon capitaine, je monte en tête à l’assaut d’un piton tenu par un important groupe de rebelles, mon sergent-chef adjoint et mon tireur FM sont tués et plusieurs de mes hommes blessés. Avec mon radio nous avons atteint une tranchée creusée par les fellagas qui sont tout proches et nous y clouent par leurs tirs incessants, mais ils prennent finalement la fuite et nous sommes surpris d’être encore en vie. Le commandement, me considérant responsable de ce triste bilan, me mute au CIPCG (Centre d’Instruction de Pacification et de Contre Guérilla) basé à Arzew, à quelques kilomètres à l’est d’Oran. Nous y accueillons tous les officiers qui débarquent en Algérie, de l’Aspirant au Colonel et j’y suis instructeur de tir instinctif. Je fais des démonstrations et donne des cours 4 heures par jour et chaque fois que je peux je m’adonne à la chasse sous-marine le long de cette côte où le poisson foisonne. Fin août je reprends un nouveau contrat d’ORSA, mais de 6 mois seulement car je commence à avoir des doutes sur l’orientation politique du gouvernement et l’avenir de ce beau pays qu’est l’Algérie. En septembre, voulant retourner au combat, j’obtiens ma mutation pour le GCPRG (Groupement de Commandos Parachutistes de Réserve Générale) basé à Blida, dirigé par le célèbre commandant Robin, un des futurs piliers de l’OAS. En décembre je suis nommé lieutenant.
Nouvelles opérations, essentiellement dans l’Atlas et l’Ouarsenis. En janvier 1960, ayant un jour de permission, je vais à Alger sur les fameuses barricades, et j’en reviens persuadé que le gouvernement français est décidé à brader l’Algérie. J’abandonne l’idée de rester dans l’armée, heureusement sinon en 1962, comme tous ceux qui ont préféré l’honneur à la soupe, j’aurais été embastillé ou dû fuir en Espagne.
Et je rentre à Paris le 1er avril après 37 mois de vie militaire intense. Mais comme Edith Piaf, « non, je ne regrette rien ».
Je repars en bateau pour Manille où je reste plus d’un mois sans trouver de travail autre que débardeur sur le port, ce que je refuse. Finalement je joue mes derniers dollars au casino, puis en pariant sur des joueurs de pelote basque comme chez nous sur des chevaux … et je gagne, heureusement car sinon je serais encore docker. Je repars pour Hong Kong où je suis bloqué plusieurs jours par un énorme typhon et enfin je débarque au Japon. J’y reste plus de deux mois, visitant les principales villes où je m’imprègne de cette architecture très caractéristique. Je gagne plusieurs centaines de dollars en participant à plusieurs reprises à une émission de radio en français où je relate mon périple et mes impressions sur ce merveilleux pays.
Je me fais embaucher comme aide cuisinier sur un cargo danois et avant d’embarquer, je consacre la totalité de mon pécule à acheter des petits postes de radio, de la taille d’un paquet de cigarettes, encore inconnus dans le reste du monde. Je débarque à San Francisco, heureusement sans être fouillé par la douane et en une semaine je les revends tous dans les bars, avec un bénéfice conséquent.
Je fais le tour des Etats Unis en autostop par l’ouest, le sud et l’est et, après de multiples aventures, j’arrive à New York, émerveillé par ces gratte-ciel encore inconnus en France. Je participe à une émission où je décris mon périple aux USA, dont la bonne rémunération me permet d’acheter un billet de 4ème classe sur un paquebot pour la France. Et je débarque au Havre 6 mois après avoir quitté Marseille, avec 301 dollars en poche soit un dollar de plus qu’au départ. Direction Paris où un camarade m’héberge quelques jours le temps de retrouver une nouvelle chambre de bonne.
J’ai toute l’Ecole à faire, en commençant par la seconde classe : 3 études analytiques (dessins de monuments classiques sur des panés de 85 x 125 centimètres), suivies par normalement 6 projets rendus sur des châssis de même format, mais ceux qui comme moi rentrent d’Algérie sont autorisés à n’en réussir que 4. Parallèlement à ces travaux, il faut passer 5 examens dits de valeurs scientifiques (mathématiques, descriptive, physique et chimie, stéréotomie et matériaux), condition pour présenter ensuite un projet de construction, comme si le gros œuvre devait être réellement construit. Il faut de plus passer un examen comportant plusieurs épreuves de perspective, un autre d’histoire de l’architecture baptisé « archéologie » et réussir une épreuve de dessin et une autre de modelage. Des cours sont donnés tous les matins pour préparer ces différentes matières, mais je ne peux en suivre aucun car il me faut évidemment continuer de travailler dans des agences d’architecte. Alors je fais des économies pour pouvoir passer deux mois complets à étudier sur des polycopiés et en un an je réussis mes 3 études analytiques, 4 projets et toutes les valeurs scientifiques. L’année suivante je rends le projet de construction et je passe la perspective, l’archéologie, le fusain et le modelage, me voilà en première classe.
Pendant toutes ces années, adepte de l’adage « mens sana in corpore sano », je pratique deux activités sportives : le ski, que dès la seconde année j’enseigne aux vacances de Noël, mardi gras et Pâques plus des compétitions dans le cadre corporatif, et la plongée en étant GO au Club Méditerranée à Palinuro dans le sud de l’Italie. Et pour le fun je joue de la trompette puis du trombone dans une des fanfares de l’Ecole.
En février 1962, je suis élu Grand Massier, c'est-à-dire représentant des élèves et anciens élèves de tous les ateliers parisiens, mais aussi des 14 répartis en province, chassant ainsi mon prédécesseur qui utilisait ce poste pour développer la cellule communiste de l’Ecole. Grâce à d’importantes économies en ne cotisant plus à l’UNEF, en incitant de nombreux anciens à s’inscrire et surtout en changeant les statuts pour que tous les élèves d’un atelier soient obligatoirement membres ou aucun, avec pour résultat que les 4.000 élèves le deviennent, je développe considérablement les actions de l’association tant et si bien que je suis réélu, avec un pourcentage de voix de plus en plus important en 1963, 1964 et 1965. La première année, je suis également élu président du célèbre bal des 4 Z’arts, sur le thème « Les massacres de Tamerlan » qui remporte un vif succès. En 1963, au cours d’un congrès à Barcelone, je suis élu pour deux ans président de l’UIEA (Union Internationale des Etudiants en Architecture). A ce titre je suis invité la même année par le gouvernement cubain à des rencontres internationales qui ont lieu à La Havane, que je complète en assistant au congrès des Architectes qui suit à Mexico. Et en 1965 mon mandat international se termine à Stockolm.
Pendant toute cette période, la Grande Masse me verse une indemnité de 60.000 francs par mois et le Directeur de l’Ecole, Nicolas Untersteller, avec lequel j’entretiens d’excellentes relations, m’obtient une bourse, si bien que je n’ai plus besoin de travailler pour des architectes que très occasionnellement.
Toutes ces activités sont passionnantes, mais il me faut réussir 10 projets d’architecture rendus sur un format double du précédent, un projet de construction comprenant tous les corps d’état, un nouvel examen d’archéologie, un de législation, un autre de comptabilité et d’organisation de la profession et encore un fusain et une sculpture intégrée dans un projet d’archi. Je réussis mes deux premiers projets et je décide de changer d’atelier, considérant que l’enseignement de Lemaresquier est trop basé sur l’image et la préparation du prix de Rome. Avec une cinquantaine de camarades, nous créons un nouvel atelier, avec Candilis comme patron et là, je reste deux ans sans réussir un seul projet, mais j’apprends énormément. Puis, comme par miracle, le les réussis tous, ainsi que les différents examens.
Me voilà « diplômable », c’est-à-dire n’ayant plus qu’à rendre un projet de mon choix, comme s’il devait être réellement construit et à le soutenir devant un jury composé de plusieurs architectes et ingénieurs. Avec 2 camarades de l’atelier, nous décidons de présenter un projet de diplôme en commun, ce qui ne s’est encore jamais fait. Le patron d’atelier que nous choisissons comme rapporteur, séduit par le thème qui est « Une maison de l’architecture, germe de ville » nous y encourage et nous consacrons 18 mois à sa réalisation. Ce n’est pas une mince affaire, car l’ensemble est rendu sur une surface d’exactement 204 m2, plus une grande maquette et des devis écrits. Finalement, en novembre 1966 non seulement le jury accepte ce travail collectif, mais nous attribue une mention Très Bien et le prix du meilleur diplôme.
En complément de l’architecture, avec mes deux camarades nous avons décidé d’entreprendre des études facultatives d’urbanisme, que nous faisons dans l’atelier Tony Garnier, dans l’enceinte même de l’Ecole. La première année est faite avant la remise de notre diplôme et la seconde l’année suivante et nous obtenons le titre d’urbaniste en juin 1967. 14 années se sont donc écoulées depuis que j’ai fait mes premiers pas en architecture.
(Institut d’Aménagement et d’Urbanisme de la Région Parisienne)
Et cette même année je suis nommé Maître de conférences à l’Ecole Nationale des Ponts et Chaussées où pendant deux demi-journées par semaine je dois donner des cours magistraux d’urbanisme et diriger des travaux pratiques, poste que je conserverai pendant 15 ans.
Je travaille sur le 2ème secteur de la Ville Nouvelle, qui s’étend sur les communes de Champs sur Marne, Noisiel, Torcy, Emerainville, Lognes et Croissy-Beaubourg. Pouvant concrétiser le souhait exprimé dans notre diplôme de faire participer les habitants à l’aménagement de leur cadre de vie, et avec l’accord du Directeur de la Ville Nouvelle, je crée un journal trimestriel d’informations et je me mets à la disposition des maires pour donner des conférences au cours desquelles je présente les projets et j’enregistre les remarques des participants. Le maire de Champs sur Marne, plus sensible que les autres à mes idées, organise plusieurs réunions, pour son conseil municipal puis pour les habitants dans les différents quartiers. A la sortie de l’une d’elles, alors que nous prenons un pot, il me propose de faire partie de sa liste aux prochaines élections municipales qui ont lieu en mars 1971, avec le poste de maire adjoint responsable de l’urbanisme et des sports. Cette liste étant d’intérêts communaux, et la liste adverse à majorité communiste, j’accepte sa proposition. En mars 1971, estimant que je ne peux plus moralement, même si aucun règlement ne m’en empêche, continuer d’être urbaniste du secteur et élu d’une de ses communes, je démissionne de l’IAURP. Simultanément, avec 5 autres architectes de Marne la Vallée nous créons notre agence d’architecture pour pouvoir construire, ce qui nous est interdit dans le cadre de la Ville Nouvelle.
(Syndicat Communautaire d’Aménagement)
Le résultat des élections est inattendu : nous sommes 15 de notre liste et 8 de la liste d’union de la gauche élus, et le maire sortant ne l’est pas. Mes colistiers me demandent d’être maire et j’accepte à condition qu’un de mes 3 adjoints soit le communiste tête de l’autre liste, croyant ainsi être un bon démocrate, quelle erreur !
La même année, je suis élu Président du SCA de Marne la Vallée, c’est-à-dire en fait maire de la partie de ce secteur située en ville nouvelle. Pendant 6 ans je travaille d’arrache pied à essayer d’améliorer les conditions de vie des habitants de ma commune et des nouveaux habitants de la Ville Nouvelle. Dès la première année mon conseil municipal vote à l’unanimité un doublement des impôts communaux, ce qui va me permettre pendant tout mon mandat d’effectuer de multiples réalisations : installation progressive du tout à l’égout, constructions d’un gymnase, d’une école maternelle, d’une salle polyvalente, de courts de tennis, de logements HLM, etc. Et parallèlement de créer et parfois d’animer moi-même de nombreuses associations sportives et culturelles.
Dans la Ville Nouvelle, j’attache un soin particulier à la qualité des réalisations architecturales, je me bats contre l’Etat qui retarde la construction des équipements, des commerces et des zones d’emploi et après une lutte menée avec les maires de 62 autres communes, j’obtiens qu’aucun péage ne soit installé juste à la sortie de Paris sur la nouvelle autoroute A4 qui dessert l’est de la France. Je ne travaille que très peu à notre agence d’architectes, ce qui aura de regrettables conséquences par la suite.
Et pendant que je passe plus de 60 heures par semaine en réunions et en travail dans mon bureau, mon adjoint communiste est en contact permanent avec les habitants. Si bien qu’aux élections municipales de 1977, sa liste obtient la majorité et nous ne sommes que 6 de ma liste élus. Il en va de même au SCA, dont je ne suis plus que simple membre.
Etre tête de l’opposition n’est pas aisé : soit on ne fait aucune proposition constructive et on ne peut plus alors critiquer ce qui est décidé, soit on en fait, aidant ainsi les adversaires à ne pas commettre d’erreurs. En 1983, avec à peu près les mêmes résultats aux élections, seuls 8 de ma liste sont élus, si bien qu’en 1985 je démissionne du conseil municipal. Et depuis la municipalité de cette commune est toujours communiste!
Après 6 années de quasi interruption de travail à l’agence, je constate que mes associés ont bien progressé et réalisent de nombreux projets. Tous les promoteurs que je contacte me disent déjà travailler avec l’un d’eux, et les rares contrats que j’obtiens de gré à gré n’aboutissent pas, soit parce que les élus du secteur ont changé, soit par retrait du maître d’ouvrage. Il ne me reste que les concours et heureusement j’en gagne certains : un des secteurs de la ville nouvelle d’Evry (91), plusieurs groupes de logements collectifs et d’autres individuels à Puiseux dans la Ville Nouvelle de Cergy-Pontoise (95), un centre de vacances à Argol en Bretagne (29), le centre de formation et de loisirs de la CFDT à Bierville (91), le centre des télécommunications de Montargis (45) et une importante école dans la Ville Nouvelle de Melun Sénart (77). Mais c’est épuisant, car il faut obtenir le 1er prix pour que les honoraires correspondent à l’important travail effectué, et chaque concours perdu engendre un déficit.
M’étant endetté pour financer la construction de ma maison à Champs sur Marne, je crains de ne plus pouvoir payer mes 5.000 francs mensuels de remboursement et qu’elle soit saisie, me laissant ainsi sans plus rien. C’est pourquoi avec ma femme, épousée en 1972, nous décidons de la vendre et de changer complètement de vie en partant en juillet 1985 créer un club de plongée en Polynésie française.
J’ai découvert la chasse sous-marine quand j’étais à Arzew en Algérie et elle m’a donné envie de pratiquer la plongée avec bouteille. En 1961, je m’inscris au Club Méditerranée de Palinuro, dans le sud de l’Italie et pendant 4 semaines j’apprends la plongée puis je fais des explorations et je passe le 2ème échelon (devenu depuis le niveau 4). Gagnant un concours de costume j’ai en récompense une 5ème semaine gratuite puis le chef de village me demande de rester jusqu’à la fin de la saison comme moniteur, ce que j’accepte volontiers. Par la suite, chaque année jusqu’en 1965 je retourne à Palinuro comme GO de plongée, mais seulement à partir de la mi-juillet pour pouvoir passer mes examens de fin d’année. En 1963 j’ai même terminé la saison comme animateur.
En septembre 1964 je réussis à Niolon l’examen de Moniteur National, devenu ensuite par équivalence BEMP (Brevet d’Etat de Moniteur de Plongée) puis BEES 2 (Brevet d’Etat d’Educateur Sportif 2ème degré).
A Paris, je commence par diriger le club de Puteaux, puis je crée et dirige successivement les clubs de Suresnes, Chelles-Champs sur Marne et Paris Vème.
En 1966 je dirige des croisières plongées en Corse, en 1967 je travaille pour la recherche archéologique au Cap Corse d’où nous remontons en 5 semaines 365 amphores romaines. A partir de 1968 et jusqu’en 1984 je dirige chaque été pendant un mois un centre de plongée ou des croisières en Méditerranée.
A partir de 1981, il devient de plus en plus difficile de réaliser des projets d’architecture et je commence à envisager de me reconvertir dans la plongée puisque j’ai une seconde corde à mon arc.
De 1981 à 1984, élu Président du Syndicat National des Moniteurs de Plongée, je défends leurs intérêts moraux et matériels. Je crée et dirige l’Ecole de Formation des moniteurs qui organise chaque année un cycle de 9 mois permettant aux plongeurs titulaires du 2ème échelon d’obtenir leur BEES 1.
En 1981 et 1982 je réussis les deux examens du BEES 3 qui vient d’être créé.
En 1985 j’apprends que le directeur d’un hôtel en cours de construction à Moorea, l’île sœur de Tahiti, désire avoir à proximité un centre de plongée. Avec mon épouse, après 30 minutes de réflexion commune, nous décidons de changer complètement de vie et le 29 juillet nous débarquons à Tahiti puis à Moorea où je crée le centre de plongée MUST. Il me faut 6 mois pour obtenir les autorisations, trouver un local, l’aménager, acheter 2 bateaux et tout le matériel nécessaire à l’accueil quotidien d’une vingtaine de plongeurs et j’embauche un premier moniteur.
Les fonds de Moorea sont déserts, le corail a été détruit par les cyclones de 1983, il y a très peu de poissons et aucun requin. Alors je nourris et petit à petit les poissons viennent, y compris 4 sortes de requins. Sans ce nourrissage, il n’y aurait pas eu de plongée à Moorea. C’est très dur pendant les 2 premières années, le temps que les touristes et quelques résidents apprennent qu’il est possible de plonger à Moorea. Puis quand cette destination commence à être connue, un second centre se crée dans un autre hôtel, et ainsi de suite si bien que quand j’arrête de le diriger en 2003 il y a 7 centres de plongée sur cette petite île ! Et des évènements extérieurs ont pour conséquence une importante baisse de la clientèle touristique : en 1995 l’incendie de l’aéroport et du centre de Papeete en réaction à la reprise des essais nucléaires, en 1998 la fermeture de l’hôtel à côté duquel je suis installé, en 2001 la destruction des tours de New York qui engendre la perte de la quasi-totalité des touristes américains. Chaque fois je parviens à remonter la pente et c’est d’autant plus épuisant que la concurrence est rude. Pendant 18 ans je ne prends aucun jour de vacances ni même de repos, je fais tout ou presque : nettoyage du local, entretien du matériel, ramassage des clients dans les hôtels, pilotage d’un bateau, encadrement des plongeurs et le soir la comptabilité et la dictée du courrier à ma femme. Je termine malgré tout avec 3 autres moniteurs, plus un vidéo-caméraman et ma femme qui assure le secrétariat.
Et ma grande distraction est de jouer du trombone avec la fanfare nommée « Cocos roses band » que j’ai créée. En 2000 un Suisse me propose d’acheter mon centre et, épuisé, j’accepte sans même en discuter le prix. Vente conclue au 1er janvier 2001, l’acheteur me demande de continuer de le diriger ce que je fais donc jusqu’en 2003. En février 2003 ma femme adorée décède après 11 ans de lutte contre un cancer du sein étendu à la fin à un poumon et au pancréas. Je reste encore 2 ans à Moorea puis j’emménage dans un appartement à Tahiti où je continue d’enseigner comme travailleur indépendant, à participer à des stages et des examens de niveau 4 et de moniteurs fédéraux et d’Etat et je fais au moins une croisière plongées chaque année à l’étranger.
Mes titres sont :
Brevet d’État d’Éducateur Sportif 3ème degré,
Diplôme d’État Supérieur de plongée,
Instructeur Régional de la FFESSM,
Moniteur CMAS 3 étoiles,
Moniteur CEDIP 4 étoiles,
Moniteur Nitrox,
Instructeur SSI,
Breveté Instructeur PADI,
Moniteur National de Secourisme,
Technicien en Inspection Visuelle,
Capitaine 200 (brevet de pilote commercial),
Ancien expert auprès des tribunaux.
Et bien sûr architecte DPLG et Urbaniste.
A partir de 2003, je consacre une partie de mon temps libre au bridge que je reprends avec plaisir. Et surtout je peux à nouveau satisfaire mon désir de découvrir le Monde en faisant au moins un grand voyage chaque année. Connaissant déjà l’Allemagne, la Suisse, l’Italie, l’Espagne, le Portugal, l’Angleterre et toute l’Europe du nord, ainsi que le Maroc, l’Algérie, la Tunisie, le Kenya, Malte, Israël, la Yougoslavie, Cuba, l’Ethiopie, l’Egypte, le Sri Lanka, Singapour, le Vietnam, Hong Kong, le Japon et les Etats Unis, je suis successivement allé dans 23 autres îles de Polynésie française, et dans les pays suivants : Chili, Bolivie, Pérou, Argentine, îles Cook, Nouvelle Zélande, Australie, Inde, Afrique du Sud, Equateur et Galápagos, Grèce, Russie, Brésil, Antarctique, Nouvelle Calédonie, Roumanie, Pologne, République Tchèque, Hongrie, Autriche, Croatie, Indonésie, Colombie, Costa Rica, Chine, Micronésie, Ouzbékistan, Mongolie, Malaisie, Islande, Maldives, Vanuatu, Fidji, Slovaquie, Cambodge, Birmanie, Thaïlande, l’île Maurice, Madagascar, les Bahamas, Irlande, Ecosse, Nambie, Rwanda, Jordanie, Lituanie, Lettonie et Estonie. De chacun de ces pays je garde un grand nombre de photos et des souvenirs ineffaçables. Mais il en reste tellement à découvrir que je ne serai jamais satisfait!
A partir de 1972 j’ai successivement coécrit:
« Plongée subaquatique » puis « Nouvelle plongée subaquatique» Amphora éditeur.
« Plongée, accidents vécus, tomes 1 et 2 » AG. éditeur.
et écrit :
« Enseigner et organiser la plongée » Amphora éditeur.
« Plongée de loisir et professionnelle en sécurité » Amphora éditeur.
« 800 exercices de plongée, tomes 1 et 2 » AG. éditeur.
« Enseigner et organiser la plongée, nouvelle pédagogie » Turtle Prod éditeur.
« Mémoires d’outre mers » L’Harmattan éditeur.
J’ai réalisé le jeu de société « La plongée pour tous ».
Et sont parus chez Turtle Prod en janvier 2018 « Les fondamentaux de LA PLONGEE », tome 1 du baptême au niveau 3 et tome 2 niveaux 4 et 5.
« Mémoires d’avant Tombe, Poésie » chez les Impliqués, filiale de l’Harmattan, paru en 2024.
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